10 (Petites) choses que vous ne savez peut-être pas sur Louis Armstrong

Louis Armstrong est né le 4 août 1901 (bien qu’il se considérait comme un enfant du vingtième siècle, et affirmait être né en 1900). Il a grandi dans la turbulente Nouvelle-Orléans, où sa famille vivait dans Back o’Town, un quartier pauvre et violent.

La musique était omniprésente à la Nouvelle-Orléans. Louis Armstrong a été exposé aux negro spirituals, au blues et au ragtime. Il a formé son premier groupe à l’âge de sept ans, un quatuor vocal appelé les Singing Fools. Cinq ans plus tard, il prend ses premières leçons de musique alors qu’il est enfermé dans une maison de correction.

Un séjour en maison de correction

Savez-vous que le grand Louis Armstrong était un « petit délinquant » ? En 1913, lors du nouvel an, le « petit Louis » a pris un revolver de 9 mm dans les affaires de sa mère. Plus audacieux que la plupart des adolescents, qui se contentent généralement de jouer avec des pétards, Armstrong a tiré des coups de feu en l’air. Il est immédiatement arrêté pour « trouble à l’ordre public ».

Il est placé dans un établissement correctionnel, le Colored Waif’s Home, pendant un an et demi. C’est là, contre toute attente, qu’il fait ses premiers pas en tant que trompettiste. Peter Davis, qui dirigeait un orchestre dans le foyer, l’a remarqué et lui a d’abord appris à jouer du tambourin et de la batterie. Armstrong a ensuite appris le clairon et a été chargé de jouer à certains moments de la journée.

On lui a ensuite montré comment jouer du cornet à piston. Il était si doué que Mr Davis le nomma chef de la fanfare de l’école. Le jeune Louis devient populaire auprès des autres résidents, mais aussi auprès des habitants de son ancien quartier pour lesquels il joue. « Prostituées, proxénètes, joueurs, voleurs, clochards, personne ne manquait (…). Ils n’auraient jamais cru que je jouerais un jour de la trompette, et que j’en jouerais si bien », écrit Armstrong dans son autobiographie, Ma vie à la Nouvelle-Orléans.

King Oliver, le mentor inégalé

Un moment déterminant dans la carrière de Louis Armstrong est sa rencontre avec Joe Oliver, un cornettiste de renom, surnommé le « King ». En 1917, il fait de Louis son protégé. Il lui donne des cours de trompette en échange de corvées.

Le « King » part bientôt à Chicago, en 1918, et Armstrong le remplace dans l’orchestre du tromboniste Kid Ory, l’un des meilleurs de la Nouvelle-Orléans. Il commence alors à jouer avec le chef d’orchestre et pianiste Fate Marable, sur les bateaux de plaisance qui remontent le Mississippi. Puis, en août 1922, il reçoit un télégramme de « Papa Joe », qui lui demande de le rejoindre. Louis s’installe à Chicago et commence à jouer dans le groupe de son mentor, le Creole Jazz Band, en tant que deuxième trompette.

Le Creole Jazz Band (de gauche à droite : Baby Dodds, Honore Dutrey, King Oliver, Bill Johnson, Louis Armstrong, Johnny Dodds, Lil Hardin)
Le Creole Jazz Band (de gauche à droite : Baby Dodds, Honore Dutrey, King Oliver, Bill Johnson, Louis Armstrong, Johnny Dodds, Lil Hardin), © Getty

Le duo « père » et « fils », attira l’attention des musiciens de Chicago. Ils étaient intrigués par leur lien, et leurs interludes instrumentaux qui interrompaient momentanément le flux des morceaux. Peu à peu, ils gagnèrent une réputation de deux des plus grands trompettistes jamais entendus.

Le jeu de Little Louis impressionnait, il était loué comme étant encore plus puissant que celui du Roi. En 1923, lorsqu’ils ont fait leurs premiers enregistrements (du célèbre Chimes Blues et d’autres chansons) avec leur groupe à Richmond, dans l’Indiana, les ingénieurs du son ont dû placer Louis quelques mètres derrière les autres musiciens pour équilibrer les parties, car il jouait avec tant de force !

Le roi de l’improvisation

Il est bien connu que Louis Armstrong a révolutionné le jazz et la trompette. Il a exploré de manière experte la gamme de l’instrument, expérimenté des rythmes syncopés et improvisé de manière magistrale….

Il n’improvisait pas seulement sur son instrument mais aussi avec sa voix. Il utilisait fréquemment le chant scat, un style musical où les mots laissent place aux onomatopées. Armstrong n’a pas inventé cette nouvelle façon de chanter, elle était déjà pratiquée dans les rues de la Nouvelle-Orléans lorsqu’il était enfant. Mais c’est lui qui l’a rendue populaire et qui a cimenté sa place dans l’histoire du jazz.

Il a également travaillé à développer son style, qui donnait un plus grand rôle au soliste. Il a rapidement supplanté le jazz de style polyphonique « Nouvelle-Orléans » de Joe Oliver, qui était basé sur l’improvisation collective et l’égalité entre les instrumentistes. Armstrong mélange les deux styles mais donne la priorité aux lignes solos. On peut le constater dans ses chansons My Heart, Big Butter & Egg Man et Muskrat Ramble (1925-1926). Comme l’expliquent Jean-Marie Leduc et Christine Mulard, ses biographes, « on peut déjà y voir l’art d’Armstrong : le triomphe de l’expression individuelle, un développement considérable de la mélodie improvisée ».

Quatre mariages

Armstrong a rencontré sa première femme à dix-huit ans dans un bar d’une petite ville de Louisiane, où il se produisait. Elle s’appelait Daisy Parker, elle avait vingt et un ans et travaillait comme prostituée. Leur mariage a duré quatre ans « de torture et de passion », avant de s’effondrer. Lil Hardin, la pianiste de l’ensemble King Oliver, devient la seconde Mme Armstrong en février 1924. Véritable « femme d’affaires », elle n’hésite pas à prendre en charge la carrière de son mari. Elle estime que l’orchestre King Oliver ne le valorise pas assez. En juin 1924, Armstrong quitte donc le groupe et son mentor. Armstrong fonde deux groupes : les Hot Five et les Hot Seven, avec Lil comme pianiste. Mais leur idylle s’estompe rapidement et ils se séparent en 1931, puis divorcent en 1938.

Louis Armstrong et sa femme Lucille
Louis Armstrong et sa femme Lucille, © Getty

Il connaît un autre mariage raté en 1938, avec Alpha Smith. Il finit alors par rencontrer Lucille Wilson, danseuse au Cotton Club, une importante boîte de nuit de Harlem. Ils se marient en 1942. Lucille a été surnommée « Lady Armstrong » par le clarinettiste Joe Muranyi ; elle a soutenu et respecté Louis jusqu’à sa mort, et a compris que « sa trompette passe avant tout ».

Les gangsters et Louis Armstrong

Les gangs criminels dominaient Chicago dans les années 1930, ils ont eu une énorme influence sur le jazz. De nombreuses carrières ont commencé dans des cabarets peu recommandables. A l’intérieur des clubs, au milieu des rires et des danses frénétiques sur la basse et le piano, les gangsters se rencontraient et réglaient leurs comptes.

L’un des clubs les plus populaires de Chicago était le Sunset Cafe, il était dirigé par le futur manager d’Armstrong, Joe Glaser. Glasser avait de très bonnes relations. Armstrong se produit au Sunset Cafe à partir de 1927, mais ce n’est qu’en 1935 que Joe Glaser devient son agent. Il restera l’agent d’Armstrong jusqu’à la fin de sa carrière et contribuera à lui bâtir une grande réputation.

Les lèvres de Satchmo

« Dippermouth », « Gate mouth », « Satchelmouth », « Satchmo » – Ce ne sont que quelques-uns des surnoms que le trompettiste à la large bouche a dû supporter. Dipper Mouth Blues était même le titre d’une chanson interprétée par Armstrong lorsqu’il faisait partie du groupe de Joe Oliver.

Ses lèvres lui causaient beaucoup de problèmes. Il les abîmait beaucoup en jouant de la trompette et en atteignant des notes aiguës, et en souffrait énormément. Un soir de 1932, lors d’une représentation de Them There Eyes à Baltimore, ils se séparent. Selon son biographe Hugues Panassié, la plupart des musiciens auraient pleuré de douleur, mais Armstrong s’est battu jusqu’à la fin du morceau réussissant à jouer le fa aigu final à un murmure.

Quelques mois plus tard, il doit interrompre une tournée européenne. En 1943, il écrit au batteur Zutty Singleton :  » Mes lèvres sont foutues, je voudrais annuler les concerts, mais dans ce métier, pour annuler, il faut être mort ! « 

Louis Armstrong l’acteur

En plus d’être instrumentiste et chanteur, le musicien de jazz était également acteur. Sa première apparition sur grand écran a lieu en 1932 dans le court métrage A Rhapsody in Black and Blue. Il y jouait de la trompette et chantait avec beaucoup d’enthousiasme, vêtu d’un justaucorps en peau de léopard, avec de la mousse jusqu’aux genoux.

La même année, il apparaît dans le dessin animé Betty Boop, en chantant I’ll Be Glad When You’re Dead et You Rascal You. Il apparaît ensuite dans un certain nombre de films, dont la comédie musicale Pennies from Heaven (1936) qui constitue sa première collaboration avec l’acteur et chanteur Bing Crosby.

Armstrong est l’un des premiers acteurs noirs à jouer dans des films hollywoodiens. Ses rôles étaient cependant souvent brefs et de moindre importance. Il était même parfois entièrement coupé au montage, comme dans le Docteur Rhythm de 1938.

Sa grande percée eut lieu en 1946 avec La Nouvelle-Orléans, un film sur l’histoire du jazz. En plus d’écrire la bande originale, Armstrong accompagne d’autres grands noms de la musique comme Billie Holiday, Kid Ory et Zutty Singleton.

Louis Armstrong et Billie Holiday dans le film New Orleans (1947)
Louis Armstrong et Billie Holiday dans le film New Orleans (1947), © Getty

Il côtoie les plus grands noms d’Hollywood. Il est apparu avec Grace Kelly dans High Society (1956) et Barbara Streisand dans Hello Dolly ! (1969), une comédie musicale à grand succès réalisée par Gene Kelly. Ce film marque la fin de la carrière cinématographique d’Armstrong. Au total, il est apparu dans une trentaine de longs métrages et une douzaine de courts métrages.

Une véritable icône

Il avait tellement de succès que les gens ont commencé à l’imiter, et à s’identifier à lui. Peu après son arrivée à New York en 1924 et ses premiers concerts à Harlem, il devient le sujet de conversation de la ville. Sa façon de jouer stupéfie les musiciens. « J’essayais de marcher comme lui, de parler, de manger, de dormir comme lui », se souvient le trompettiste Rex Stewart.

Portrait de Louis Armstrong (1956)
Portrait de Louis Armstrong (1956), © Getty

Les jeunes en particulier essayaient d’imiter sa posture et ses manières. Louis Armstrong croisait ses bras sur son ventre d’une certaine manière…. ainsi, ils faisaient de même. Louis Armstrong utilisait encore un mouchoir pour s’essuyer le visage et ils faisaient de même (comme le notent Milton Mezzrow et Bernard Wolfe dans Really the Blues).

 » Red beans and ricely yours « 

Louis Armstrong avait un goût pour le rythme qui allait de pair avec son goût pour la nourriture. Il adorait un plat de riz créole que sa mère, Mayann, avait l’habitude de préparer. « Le gumbo créole de Mayann ! C’était le meilleur du monde – à mon avis en tout cas. (…) Quant au riz aux haricots rouges, inutile d’en parler, tout le monde sait que c’est ma marque de fabrique », a-t-il écrit dans Satchmo : My Life in New Orleans.

Armstrong avait même l’habitude de signer ses lettres avec la phrase « Red beans and rice-ly yours ». Plusieurs de ses chansons font également référence à son plat préféré. Par exemple, dans la deuxième version de You Rascal You, il reproche au coquin d’avoir volé son riz et ses haricots rouges !

Louis Armstrong et sa femme Lucille pendant une visite aux pyramides de Gizeh
Louis Armstrong et sa femme Lucille pendant une visite aux pyramides de Gizeh, © Getty

« Cet homme n’a jamais appris à se reposer »

Louis Armstrong ne voyait pas la musique comme un « travail ». La musique était sa vie, il n’a jamais cessé d’enregistrer, de se produire, pour des films ou des concerts. Selon Hugues Panassié, il « avait une telle endurance et aimait tellement jouer qu’une fois son set au Sunset terminé, il se rendait dans d’autres cabarets avec un groupe de musiciens et jouait encore pendant des heures, improvisant dix, quinze, vingt chorus d’affilée ».

Au début des années 1970, il continue à sillonner les États-Unis malgré sa maladie. Son médecin a essayé de lui faire arrêter de jouer de la trompette, mais en vain. Comme l’a fait remarquer sa femme, « cet homme n’a jamais appris à se reposer ». Armstrong lui-même a déclaré que « d’où je viens, les musiciens ne prennent pas leur retraite. Ils arrêtent simplement de jouer ».

Le 5 juillet 1971, se remettant d’une grave crise cardiaque, Armstrong demanda à son médecin de réunir son orchestre pour reprendre le travail dès que possible. Le père du jazz n’en a jamais eu l’occasion, il est mort dans son lit d’hôpital le lendemain à l’aube.

>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.