Cannelle (Cinnamomum verum)

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La cannelle en poudre et les bâtons de cannelle représentés dans des flacons à fond rond avec une molécule de cinnamaldéhyde, la molécule qui donne à la cannelle son arôme et son goût.

La cannelle en poudre et les bâtons de cannelle représentés dans des flacons à fond rond, ainsi qu’une molécule de cinnamaldéhyde, la molécule qui donne à la cannelle son arôme et son goût.

La cannelle est le plus souvent reconnue comme une épice, utilisée en cuisine pour donner du goût aux aliments sucrés et salés. En cette période festive de l’année, vous pouvez ajouter un bâton de cannelle à votre pot de vin chaud pour lui donner cet arôme reconnaissable que beaucoup d’entre nous associent à la période de Noël. Dans ce post, nous allons examiner les molécules présentes dans la cannelle qui sont responsables de cette odeur et certaines de leurs autres utilisations.

1. Sur l’image principale, vous pouvez voir des bâtons de cannelle et de la cannelle moulue à l’intérieur de flacons à fond rond, qui ont été bouchés et s’appuient sur un anneau de liège. Les flacons à fond rond sont souvent utilisés en laboratoire pour chauffer des liquides et effectuer des réactions. Ils sont munis de joints en verre rodé sur le dessus, ce qui permet de raccorder facilement d’autres objets en verre, par exemple des condensateurs, ou de les boucher solidement. Leur forme augmente la surface et rend donc le chauffage et l’agitation très efficaces, mais, comme vous pouvez l’imaginer, ils ont aussi tendance à rouler (et à se casser s’ils tombent !), et doivent donc être fixés dans un étau ou reposés sur un anneau en liège dont la forme reflète la leur. Ici, ils sont posés sur le côté pour mieux montrer leur contenu solide, ce que nous ne serions pas heureux (ou en sécurité) de faire s’ils contenaient un liquide chaud. L’image montre également la structure moléculaire du trans-cinnamaldéhyde, source de l’odeur familière de la cannelle.

Flacons à fond rond, bien serrés.

Flacons à fond rond, bien serrés.

La cannelle est originaire du Sri Lanka où elle se trouve dans l’écorce interne de plusieurs arbres du genre Cinnamomum qui appartiennent à la famille des Lauraceae. Comme son nom l’indique, cette famille contient également des lauriers, Laurus nobilis, à l’origine des feuilles de laurier utilisées en cuisine. Les canneliers sont des arbres de taille moyenne à grande, atteignant une hauteur de 6 à 15 mètres en pleine croissance. Ils poussent bien à une altitude d’environ 1 000 m dans des régions où les précipitations annuelles sont de 200 à 250 cm. La cannelle est récoltée entre septembre et novembre ; les pousses ayant une épaisseur de doigt et une couleur brune uniforme sont idéales pour l’extraction de l’écorce. Elles sont coupées près du sol lorsqu’elles ont environ 2 ans, aussi droites que possible, avec une longueur de 1,0-1,25 m et une épaisseur de 1,25 cm. L’écorce interne est ensuite grattée, pelée et laissée à sécher. C’est à ce moment-là qu’elle prend la forme de la plume que l’on voit dans les bâtons de cannelle (comme sur le flacon à droite dans la photo principale ci-dessus). Les piquants sont ensuite classés, de « 00000 » pour la qualité la plus fine, à « 0 » pour la plus grossière. Ils peuvent également être broyés en poudre (comme indiqué dans le flacon de gauche) et les deux formes sont généralement exportées.

La cannelle a été utilisée comme épice tout au long de l’histoire, pour un large éventail d’usages. On pense que sa première utilisation remonte à 2000 avant JC, car elle était représentée sur des peintures trouvées à l’intérieur des pyramides égyptiennes. Les Égyptiens utilisaient l’épice à des fins médicales, car ils connaissaient ses propriétés antibactériennes et antifongiques, mais aussi comme arôme dans les boissons et comme parfum dans le processus d’embaumement, où ils remplissaient les cavités corporelles de conservateurs épicés. La cannelle est également mentionnée à plusieurs reprises dans les livres de l’Exode et des Proverbes de la bible, principalement comme l’un des ingrédients de l’huile d’onction de Moïse, avec la myrrhe pure, la casse et l’huile d’olive. Au Moyen Âge, la cannelle est devenue un symbole de richesse, car l’Europe et l’Afrique n’avaient pas un climat propice à la culture de cette épice, qui devait donc être importée d’Orient. La cannelle était transportée par des voies terrestres longues et peu commodes, ce qui limitait l’approvisionnement et la rendait chère, ce qui a donc fait de son utilisation un véritable symbole de statut social.

2. La saveur de la cannelle est due à une huile essentielle aromatique qui entre pour 0,5 à 1 % dans sa composition. Cette huile essentielle est préparée en pilant l’écorce de cannelle, en la faisant macérer dans de l’eau de mer puis en la distillant. Il en résulte une huile de couleur jaune doré qui a l’odeur et le goût de la cannelle. Les principaux composants chimiques de cette huile essentielle sont présentés dans le schéma 1 et comprennent l’eugénol, point de départ de la synthèse de la vanilline, le linalol (voir notre article sur la lavande), l’estragole, le cinnamate d’éthyle, le caryophyllène et le cinnamaldéhyde (nous y reviendrons). Ces composés peuvent être séparés et identifiés par extraction en phase solide suivie d’une chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse (CG-SM).

Schéma 1 : Certains des composés présents dans l'huile essentielle de cannelle.

Schéma 1 : Certains des composés présents dans l’huile essentielle de cannelle.

La CG-SM est une technique analytique qui relie la chromatographie en phase gazeuse et la spectrométrie de masse. La chromatographie en phase gazeuse sépare un mélange de composés ; elle commence après avoir dissous un échantillon dans un solvant et l’avoir injecté dans une colonne. Un gaz non réactif transporte ensuite l’échantillon dans la colonne, où les différents composés se déplacent à des vitesses différentes, en fonction de leur capacité à se lier au revêtement de la colonne, appelé phase stationnaire ; ils éluent donc à des moments différents. Cette approche est similaire à la chromatographie sur papier familière à la plupart des gens, où, dans sa forme la plus simple, les couleurs des stylos feutres se séparent, et ainsi apparentes, lorsque l’eau s’imprègne lentement à travers un certain papier filtre marqué.

Les composés qui éluent du chromatographe en phase gazeuse sont ensuite transformés en ions et un spectromètre de masse est utilisé pour identifier chacune de ces substances. Chaque ion peut être identifié à partir de son poids, en localisant le pic de l’ion moléculaire dans le spectre, mais aussi à partir des composés plus petits et plus légers en lesquels il se décompose au cours de la procédure. Pour plus de détails sur la GC-MS, consultez cette page réalisée par l’un de nos collègues de Bristol.

3. 90 % de l’huile essentielle de cannelle est constituée d’un composé organique appelé trans-cinnamaldéhyde ou 3-phénylprop-2-énal (représenté sur l’image principale et dans le schéma 1). C’était une ancienne molécule du mois sélectionnée par nos collègues de Bristol et elle est responsable de l’odeur et du goût distinctifs de la cannelle.

Schéma 2 : Structure moléculaire de l'alcool cinnamylique

Schéma 2 : Structure moléculaire de l’alcool cinnamylique

Il existe plusieurs méthodes connues de synthèse chimique, bien que Wikipedia suggère qu’il reste le moins cher d’extraire le cinnamaldéhyde par distillation à la vapeur de l’huile de l’écorce de cannelle. En laboratoire, il peut être préparé à partir de composés apparentés tels que l’alcool cinnamylique (schéma 2), mais aussi à partir de composés structurellement non apparentés, par exemple par condensation aldol de benzaldéhyde et d’acétone. La cinétique et le mécanisme de cette réaction, et des réactions connexes, ont été explorés en détail par Guthrie et Wang en 1991 (Can. J. Chem. 1991, 69, 339-344).

Cette voie de synthèse utilise initialement une base forte pour générer l’ion énolate d’acétone (montré ci-dessous, schéma 3).

Schéma 3 : Mécanisme de formation de l'ion énolate.

Schéma 3 : Mécanisme de formation de l’ion énolate.

Cet énolate est très nucléophile, ce qui lui permet d’attaquer le carbonyle du benzaldéhyde (schéma 4). Cela forme alors un ion alcoxyde qui peut prendre un proton de l’eau pour former une bêta-hydroxy cétone. Le doublet d’électrons sur le carbone est alors utilisé pour éliminer l’ion hydroxyde, formant une cétone alpha,bêta-insaturée, le produit désiré, le trans-cinnamaldéhyde. Ce composé est également le matériau de départ pour la synthèse de molécules plus complexes et une série de voies pour sa préparation continuent d’être décrites (J. Org. Chem. 2011, 76, 8986-8998).

Schéma 4 : Mécanisme de réaction pour la formation de cinnamaldéhyde à partir de benzaldéhyde et d'acétone.

Schéma 4 : Mécanisme de réaction pour la formation du cinnamaldéhyde à partir du benzaldéhyde et de l’acétone.

L’application la plus familière du cinnamaldéhyde est celle d’arôme dans les aliments et les boissons, mais il possède également des propriétés antimicrobiennes, intéressantes pour toute une série d’industries (voir, par exemple, Int. J. Food Microbiol. 2004, 94, 223-253, Progr. Org. Coatings 2007, 60, 33-38, Environ. Chem. Lett. 2012, 10,325-347), où elle peut être utilisée pour inhiber la croissance de divers microbes (Nutrients 2015, 7, 7729-7748) tels que les bactéries, les champignons, les moisissures et les dermatophytes. Cette capacité, ainsi que sa faible toxicité, font également du cinnamaldéhyde un fongicide utile qui s’est avéré efficace sur plus de 40 cultures différentes. La GC-MS a été utilisée pour déterminer la teneur en cinnamaldéhyde de différents aliments, en vue de déterminer si ses propriétés antimicrobiennes sont conservées pendant le traitement (J. Agric. Food Chem. 2000, 48, 5702-5700). Le cinnamaldéhyde peut également avoir des effets bénéfiques dans le traitement du diabète, bien que des études supplémentaires semblent nécessaires dans ce domaine (Diabetic Medicine 2012, 29, 1480-1492).

Enfin, une autre application intéressante du cinnamaldéhyde est qu’il peut être utilisé comme inhibiteur de corrosion pour l’acier et d’autres alliages ferreux dans des fluides corrosifs. Dans des conditions de pression et de température élevées, la polymérisation du trans-cinnamaldéhyde est favorisée, ce qui conduit à la formation d’un film mince sur la surface du métal, agissant comme une barrière à la corrosion (Electrochimica Acta, 2013, 97, 1-9.)

Bien que cette approche soit principalement utilisée sur les champs de pétrole pour le moment, nous aimerions beaucoup savoir si nos voitures pourraient sentir l’odeur de Noël un jour dans le futur…

(Contributeurs : Olivia Levy (recherche, écriture, photos, images), Natalie Fey (édition).

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