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Un document pro-esclavagiste
Histoire numérique ID 264

Date:1787

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Durant les décennies précédant la guerre civile, les abolitionnistes ont âprement débattu pour savoir si la Constitution était un document pro-esclavagiste ou anti-esclavagiste. Certains opposants à l’esclavage, tels que William Lloyd Garrison (1805-1879), ont attaqué la Constitution comme un document pro-esclavagiste au motif qu’elle garantissait que le Congrès ne pourrait pas interférer avec le commerce des esclaves africains jusqu’en 1808, qu’elle ne reconnaissait pas les Noirs libres comme des citoyens, qu’elle prévoyait le retour des esclaves fugitifs et qu’elle comptait les esclaves comme trois cinquièmes des personnes blanches dans la répartition de la représentation et de l’impôt, ce qui augmentait donc la force des Sudistes à la Chambre des représentants.

D’autres abolitionnistes, cependant, soutenaient que la Constitution avait de fortes implications anti-esclavagistes. Ils soulignaient la disposition qui stipulait que le Congrès ne pouvait pas réglementer le commerce des esclaves avant 1808. Ils ont fait valoir que cette disposition donnait au Congrès le pouvoir d’interdire le mouvement des esclaves dans les territoires ou les nouveaux États et, après 1808, dans les États d’origine. En outre, la Constitution n’empêchait pas les États de mettre fin au commerce des esclaves. Voici des extraits de la discussion de la Convention constitutionnelle sur le commerce des esclaves.

Document:

Imports d’esclaves

M. L. Martin a proposé de modifier l’article 7, sect. 4 de manière à permettre une interdiction ou une taxe sur l’importation d’esclaves. Premièrement, comme cinq esclaves doivent être comptés comme trois libres dans la répartition des représentants, une telle clause laisserait un encouragement à ce trafic. Deuxièmement, les esclaves affaiblissent une partie de l’Union, que les autres parties sont tenues de protéger ; le privilège de les importer était donc déraisonnable. Troisièmement, il était incompatible avec les principes de la Révolution, et déshonorant pour le caractère américain, d’avoir une telle caractéristique dans la Constitution.

M. Rutledge ne voyait pas comment l’importation pouvait être encouragée par cette section . Il n’appréhendait pas les insurrections, et exemptait volontiers les autres États de l’obligation de protéger les États du Sud contre elles. La religion et l’humanité n’ont rien à voir avec cette question. L’intérêt seul est le principe directeur des nations. La véritable question à l’heure actuelle est de savoir si les États du Sud doivent ou non faire partie de l’Union. Si les États du Nord consultent leur intérêt, ils ne s’opposeront pas à l’accroissement des esclaves, qui augmentera les denrées dont ils deviendront les porteurs.

M. Ellsworth était pour laisser la clause telle qu’elle est. Que chaque état importe ce qu’il veut. La moralité ou la sagesse de l’esclavage sont des considérations appartenant aux états eux-mêmes. Ce qui enrichit une partie enrichit le tout, et les Etats sont les meilleurs juges de leur intérêt particulier. L’ancienne Confédération ne s’était pas mêlée de ce point, et il ne voyait pas de plus grande nécessité de le faire entrer dans la politique de la nouvelle.

M. Pinckney . La Caroline du Sud ne pourra jamais recevoir le plan s’il interdit le commerce des esclaves. Dans chaque extension proposée des pouvoirs du Congrès, cet état a expressément et soigneusement excepté celui de se mêler de l’importation des nègres. Si les états sont tous laissés libres sur ce sujet, la Caroline du Sud pourra peut-être, par degrés, faire d’elle-même ce qu’on voudra, comme la Virginie et le Maryland l’ont déjà fait…..

M. Sherman était pour laisser la clause telle qu’elle est. Il désapprouve le commerce des esclaves ; cependant, comme les États possèdent maintenant le droit d’importer des esclaves, que le bien public n’exige pas qu’on le leur retire, et qu’il est opportun d’avoir le moins d’objections possible au plan de gouvernement proposé, il pense qu’il vaut mieux laisser la question telle qu’on la trouve. Il a observé que l’abolition de l’esclavage semblait se poursuivre aux États-Unis, et que le bon sens des différents États l’achèverait probablement par degrés…..

Colonel Mason . Ce commerce infernal a pris naissance dans l’avarice des marchands britanniques. Le gouvernement britannique a constamment fait échec aux tentatives de la Virginie pour y mettre un terme. La question actuelle ne concerne pas les seuls États importateurs, mais l’Union tout entière….. Le Maryland et la Virginie, dit-il, ont déjà interdit expressément l’importation d’esclaves. La Caroline du Nord a fait de même en substance. Tout cela serait vain si la Caroline du Sud et la Géorgie avaient la liberté d’importer. Les peuples de l’Ouest réclament déjà des esclaves pour leurs nouvelles terres, et rempliront ce pays d’esclaves, s’ils peuvent les obtenir par la Caroline du Sud et la Géorgie. L’esclavage décourage les arts et les manufactures. Les pauvres méprisent le travail lorsqu’il est effectué par des esclaves. Il empêche l’immigration des Blancs, qui enrichissent et renforcent réellement un pays. Il produit l’effet le plus pernicieux sur les mœurs. Tout maître d’esclaves est né petit tyran. Ils amènent le jugement du Ciel sur un pays. Comme les nations ne peuvent être récompensées ou punies dans l’autre monde, elles doivent l’être dans celui-ci. Par un enchaînement inévitable de causes et d’effets, la Providence punit les péchés nationaux par des calamités nationales. Il déplorait que certains de nos frères orientaux se soient lancés, par appât du gain, dans ce trafic infâme….Il jugeait essentiel, à tous points de vue, que le gouvernement général ait le pouvoir d’empêcher l’accroissement de l’esclavage.

M. Ellsworth , n’ayant jamais possédé d’esclave, ne pouvait juger des effets de l’esclavage sur le caractère. Il a dit, cependant, qu’il devait être considéré dans une lumière morale, nous devrions aller plus loin, et libérer ceux qui sont déjà dans le pays. Comme les esclaves se multiplient aussi si vite en Virginie et dans le Maryland qu’il est moins coûteux de les élever que de les importer, tandis que dans les marais rizicoles malades, des approvisionnements étrangers sont nécessaires, si nous n’allons pas plus loin que ce qui est demandé, nous serons injustes envers la Caroline du Sud et la Géorgie. Ne nous mêlons pas de tout. A mesure que la population augmente, les travailleurs pauvres seront si nombreux que les esclaves deviendront inutiles. L’esclavage, à terme, ne sera plus une tache dans notre pays…..

Le général Pinckney a déclaré qu’il était fermement convaincu que si lui-même et tous ses collègues signaient la Constitution et usaient de leur influence personnelle, cela ne servirait à rien pour obtenir l’assentiment de leurs électeurs . La Caroline du Sud et la Géorgie ne peuvent se passer d’esclaves. Quant à la Virginie, elle gagnera à l’arrêt des importations. La valeur de ses esclaves augmentera, et elle en a plus qu’elle n’en veut. Il serait injuste d’exiger de la Caroline du Sud et de la Géorgie qu’elles se confédèrent sur des bases aussi inégales….. Il soutient que l’importation d’esclaves serait dans l’intérêt de l’Union tout entière. Plus il y a d’esclaves, plus il y a de produits pour employer le commerce de transport ; plus il y a de consommation aussi ; et plus il y en a, plus il y a de revenus pour le trésor commun. Il admet qu’il est raisonnable que les esclaves soient soumis à des droits comme les autres importations ; mais doit considérer le rejet de la clause comme une exclusion de la Caroline du Sud de l’Union.

Max Farrand, ed., The Records of the Federal Convention of 1787 (1911), 364-5, 369-72

Informations supplémentaires : Max Farrand, éd., Les Actes de la Convention fédérale de 1787

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