Vlad l’indéfiniLe président russe accepte à contrecœur de rester 16 ans de plus au pouvoir

Ce qu’est un parlement docile est bien pratique. Le 10 mars, sur proposition de la première femme dans l’espace (aujourd’hui députée célèbre), la Douma russe a approuvé un amendement à la constitution du pays qui remettrait à zéro l’horloge interdisant à quiconque de faire plus de deux mandats consécutifs en tant que président. Il se trouve que cela permettrait à Vladimir Poutine, qui ne peut actuellement pas se représenter à l’expiration de son mandat actuel en 2024, de rester en poste pour deux autres mandats de six ans après cette date, à condition qu’il puisse remporter deux nouvelles élections en plus des quatre qu’il a déjà gagnées. D’ici là, en 2036, il aura 83 ans et aura dirigé la Russie pendant 36 ans, soit aussi longtemps qu’Ivan le Terrible. Deux des plus grandes puissances militaires du monde, la Chine et la Russie, ont maintenant ce qui ressemble à des présidents à vie. Ces dirigeants s’améliorent rarement avec l’âge.

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Il reste quelques détails techniques (voir article). La Cour constitutionnelle de Russie doit encore se prononcer sur la constitutionnalité des changements apportés par M. Poutine. Le fait que personne n’imagine qu’il ne parviendra pas à ses fins, tout comme personne n’imagine que Valentina Tereshkova, qui a fait un pas de géant pour l’humanité féminine le 16 juin 1963, a agi de son propre chef, montre à quel point M. Poutine a plié les institutions russes à sa volonté. Le troisième obstacle est un « vote de tout le peuple » d’une légalité douteuse sur la constitution nouvellement ajustée, que M. Poutine a prévu pour le 22 avril. C’est peut-être un peu moins sûr, mais les agents du Kremlin sont habiles à réprimer les protestations et à neutraliser la presse. Et le reste des changements apportés à la constitution sont destinés à renforcer sa popularité auprès des Russes attachés à la tradition, par exemple en soulignant que le droit russe doit avoir la primauté sur le droit international, que les pensions de l’État doivent être à l’abri de l’inflation et que le mariage gay ne sera jamais autorisé.

Rien de tout cela ne devrait être une surprise. M. Poutine et son entourage se sont fait trop d’ennemis et trop d’argent pour qu’il prenne le risque d’abandonner le pouvoir volontairement. La vraie question a été de savoir comment il allait habiller son intention de régner indéfiniment. Il a déjà contourné une fois la règle des deux mandats en prenant le poste supposé moins puissant de premier ministre, en échangeant son poste avec le souple Dmitri Medvedev qui a été président entre 2008 et 2012. M. Medvedev a ensuite consciencieusement échangé son poste contre un autre, permettant à M. Poutine de redevenir président avec une horloge remise à zéro et un mandat étendu de quatre à six ans. M. Medvedev a été écarté du poste de Premier ministre au début de cette année, et le Kremlin semble avoir opté pour un contournement des règles encore plus simple.

L’astuce suppose que M. Poutine sera aussi faiblement opposé en 2024 et 2030 qu’il l’a été en 2000, 2004, 2012 et 2018. Est-ce plausible ? Le timing des changements est de mauvais augure pour lui. L’effondrement du prix du pétrole survenu cette semaine va nuire à l’économie. Malgré 20 ans de pouvoir et une tendance mondiale claire à trouver des substituts aux combustibles fossiles, il n’a pas réussi à faire suffisamment pour diversifier la Russie en dehors du pétrole et du gaz. Son gouvernement a accumulé suffisamment de réserves financières pour tenir des années, mais pas pour toujours. Entre-temps, une corruption profondément enracinée et un manque de concurrence ont entravé les perspectives de croissance. Les actions politiques de M. Poutine – annexion de la Crimée, invasion de l’est de l’Ukraine, ingérence dans les élections d’autres pays et présidence du meurtre d’opposants sur le sol étranger – ont fait de son pays un paria, soumis à des sanctions qui ne montrent aucun signe d’assouplissement. La substitution des importations depuis 2014 lui a permis de respirer, mais pour les Russes ordinaires, la vie risque de devenir plus difficile.

Sur la sellette jusqu’à ce qu’il se refroidisse

La popularité de M. Poutine a vacillé depuis l’élection de 2018, en partie à cause de la faiblesse de l’économie, mais aussi parce qu’il a essayé de relever l’âge auquel les Russes reçoivent les pensions de l’État. C’était nécessaire mais impopulaire, et il a édulcoré ses plans. Lors des élections municipales de l’année dernière, son parti, Russie Unie, a subi de lourdes pertes, notamment à Moscou, malgré les efforts déployés pour écarter du scrutin des adversaires de poids. Néanmoins, en manipulant les médias et la loi électorale, il a jusqu’à présent empêché tout opposant de s’assurer un large soutien. M. Poutine a été réélu président en 2018 avec 77 % des voix, son meilleur résultat à ce jour, aidé par le fait que son opposant le plus populaire, Alexei Navalny, a été exclu de la compétition en raison d’accusations de fraude forgées de toutes pièces. Aucun despote n’est immortel. Mais les Russes ont de bonnes raisons de s’inquiéter que leur tsar des temps modernes ait un long avenir sur le trône. ■

Cet article est paru dans la section Leaders de l’édition papier sous le titre « Vlad l’indéfini »

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